La maire de Saint-Germain défendra-t-elle les intérêts des contribuables ?

En 2014, au début de notre mandat, un des premiers chantiers que nous avons mené fut d’analyser les dépenses récurrentes de la commune, les factures que l’on paie tous les mois sans trop se poser de questions puisqu’elles résultent de vieux contrats. Travail fastidieux, mais mine d’or pour les finances communales puisque cela nous a permis de mettre fin à nombre de dépenses incongrues comme un contrat d’entretien pour une alarme qui n’existait plus depuis 10 ans, ou des abonnements téléphoniques payés tous les mois sans qu’il n’existe de téléphone au bout de la ligne.

Parmi les factures payées l’année précédente, nous avons identifié en particulier 2 paiements récurrents dont le montant nous a surpris :

  • une facture trimestrielle de 4391,71 € de la société GE Capital Bank
  • une facture trimestrielle de 4129,79 € de la société LOCAM
  • ces 2 factures étant diss(émin)(imul)ées sur 2 comptes différents.

A elles seules, ces 2 factures représentaient donc plus de 34 000 € de dépenses annuelles.

Les contrats liés à ces factures n’étant plus présents dans les archives de la mairie, il a fallu un certain temps pour en récupérer une copie et comprendre de quoi il s’agissait.

  • la première concernait un achat conclus en mars 2010 pour l’achat d’un serveur et de 4 ordinateurs pour 12 loyers trimestriels de 4391,71 € et une option d’achat de 731,95 € soit au total 53 432,47 €.
  • la seconde, concernait un achat conclus 2 ans plus tard, en avril 2012, pour l’achat d’un seul nouveau serveur et la reprise du matériel acheté 2 ans plus tôt pour… 21 loyers trimestriels de 4129,79 € soit un total de 87 240 € ! Pour un serveur !

Au total, si nous avions laissé ces contrats aller à leur terme, la commune aurait déboursé 140 672,37 € pour l’achat de 4 ordinateurs (estimés autour de 1000 €) et de 2 serveurs (estimés autour de 3000 €).

Un petit schéma valant mieux qu’un long discours,
voir le résumé de l’affaire en images.

Aussi, au terme de l’enquête menée sur cette affaire, nous avons entrepris différentes actions afin de récupérer les sommes dont la commune et ses contribuables ont été spoliés :

  1. Résiliation unilatérale du contrat LOCAM au motif de la bonne utilisation des deniers publics (arrêt du versement des loyers et restitution du serveur).
  2. Achat comptant d’un nouveau serveur plus puissant pour 2376 € TTC pour remplacer le serveur à 87 240 €
  3. Requête au tribunal administratif pour demander l’annulation pure et simple du contrat et la restitution des sommes versées.
  4. Signalement des faits au Procureur de la République afin qu’une enquête pénale soit menée afin de désigner les responsables de cette gabegie d’argent public.

Conclusion de la partie pénale

Après de longues années d’enquête et de procédure, le volet pénal de l’affaire est jugé par le Tribunal de Grande Instance de Lyon sur requête du Procureur de la République, affaire sur laquelle la Commune de Saint-Germain-au-Mont-d’Or se porte partie civile. Le jugement porte sur les 2 contrats de 2010 et de 2012.

Dans un jugement correctionnel du 14 mars 2019, le tribunal condamne le maire de l’époque et son adjoint aux finances à :

  • un emprisonnement délictuel de 8 mois avec sursis ;
  • 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire ;
  • l’interdiction d’exercer l’activité de maire ou d’adjoint au maire, et toute activité dans la fonction publique pour une durée de 5 ans ;
  • à verser solidairement à la commune de Saint-Germain-au-Mont-d’Or la somme de 101 365,80 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;
  • à payer à la commune la somme de 800 € au titre de l’article 475-1 du code pénal.

Ils ont fait appel de cette décision, la date du jugement d’appel n’étant pas encore connue.

Conclusion de la partie administrative

Le 11 juin 2020, le Tribunal administratif de Lyon rend son verdict sur l’annulation du contrat LOCAM (comme il y avait prescription, il n’était pas possible pour ce volet d’attaquer le contrat de 2010) et condamne la société LOCAM à verser l’intégralité des loyers perçus soit 62 071,14 €.

Suite à notre interrogation en conseil municipal, madame Delorme nous a confirmé que la société LOCAM n’avait pas fait appel et que cette somme allait pouvoir être – enfin – recouvrée par la commune.

Jugement d’appel : la nouvelle municipalité défendra-t-elle les intérêts des contribuables Saint-Germinois ?

Sur cette affaire, il reste donc à juger en appel le jugement correctionnel. La date de l’audience n’est pas encore fixée.

Après un changement de municipalité, nous craignons que la nouvelle maire (peut-être sous l’influence de tel ou tel ?) choisisse l’abandon de la constitution de partie civile et renonce ainsi à ce que les contribuables Saint-Germinois soient indemnisés du préjudice subi.

A deux reprises, lors des deux derniers conseils municipaux, nous l’avons interpelée afin de connaître sa position sur ce sujet, recevant par deux fois une réponse très “normande” et pour le moins étrange :

Conseil municipal du 10 juillet 2020 :

M. George : Est-ce que vous avez bien l’intention de poursuivre cette action en justice ?

Mme Delorme : Nous n’en avons pas parlé collégialement, c’est un point qu’on abordera, et c’est prévu qu’on vous réponde quand on aura eu ce débat en interne. Voilà, je pense que ce sera un débat assez clair et rapide. Je pense que nous sommes absolument tous sur la même longueur d’onde mais je ne veux pas trop m’avancer vis à vis de mes colistiers ce soir.

4 mois plus tard, conseil municipal du 23 novembre 2020 :

M. Perrot : Lors du dernier conseil municipal, vous nous aviez signalé que vous devriez vous exprimer sur votre décision de vous constituer partie civile.

Mme Delorme : Nous n’avons pas encore déterminé de position. Nous avons rencontré l’avocat de la commune une fois. Un des membres de notre conseil se penche très activement sur la question et a de nouveau rendez-vous avec l’avocat et va consulter l’entièreté du dossier. D’autre part, nous faisons également en parallèle le calcul des sommes qui n’ont pas été perçues durant la mandature par les élus et notamment monsieur Guy David. Il semblerait que cette somme s’élève à près quand même d’une centaine de milliers d’euros [voir commentaire sur cette phrase à la fin de l’échange] donc nous sommes en train d’affiner le détail aussi de ce calcul pour prendre une décision en fonction de tous les éléments à notre connaissance à la fois à charge et à décharge de cette affaire.

M. George : Je ne peux que me réjouir que Locam n’ait pas fait appel, autant vous dire que je ne m’y attendais pas du tout. J’étais certain qu’ils allaient se battre puisqu’ils se battent à chaque fois sur ces dossiers. Donc j’imagine que le dossier monté par notre avocat était parfait et tant mieux, je m’en réjouis, ça fait soixante mille à soixante dix mille euros pour la commune prochainement, c’est plutôt une bonne nouvelle.
C’est également une bonne nouvelle pour les anciens élus puisque ce montant vient en grande partie en déduction de ce que, eux, devaient. Je rappelle que nous avons mis en avant une affaire un peu lourde qui a nécessité un temps infini de notre part à nous, les élus, et également évidemment à l’avocat, mais majoritairement à nous, les élus, pour lever les lièvres.
Que nous nous sommes aperçus également à cette occasion que ce n’était pas la première fois : le problème, c’est que nous n’avons pas pu attaquer sur les fois précédentes parce qu’il y avait prescription.
Donc j’aimerais être très clair sur le fait que l’on attend votre décision rapidement et que, à mon sens, elle doit faire l’objet d’un débat en conseil municipal. En tout cas, je me chargerai de rendre publique cette décision parce que si jamais il arrivait qu’à la sortie vous considériez que finalement il n’y a pas besoin de récupérer ces sommes-là qui sont des deniers publics qui ont été pris à la commune et nous l’avons démontré, alors je devrais en déduire que vous ne souhaitez pas aller plus loin, que ces deniers publics, ce n’est pas intéressant et pas normal de les récupérer, décision sur laquelle je serai évidemment en complet désaccord.
J’attends de voir quelle sera votre décision ; vous nous aviez dit la dernière fois, c’est marqué dans le procès-verbal, que vous prendriez votre décision très rapidement. Ça semblait être évident. Je suis un peu surpris que 4 mois et demi plus tard, elle ne soit pas prise.


Commentaire sur la phrase en gras :
Propos étranges de Mme Delorme qui semble penser que si le conseil municipal de l’époque avait décidé de ne pas voter les indemnités maximum autorisées pour certains de ces membres, cela les exonérait d’une partie de leur responsabilité !
Rappelons que la fonction de maire, d’adjoint et de conseiller municipal est gratuite et que l’indemnité que certains peuvent percevoir, votée par le conseil municipal en début de mandat et plafonnée par la Loi, ne constitue pas un salaire mais une indemnisation des frais que leur fonction induit (déplacement, frais de représentation, perte de revenus professionnels, etc.). Il n’est alors pas étonnant qu’un maire retraité soit moins indemnisé qu’un maire actif.
Mais le niveau d’indemnisation n’exonère en aucun cas la fonction d’une partie de sa responsabilité ! Que dire, sinon, de la responsabilité de la majorité actuelle puisque, hormis la maire qui perçoit l’indemnité maximum autorisée par la Loi, le conseil municipal a décidé de répartir l’enveloppe maximum autorisée sur l’ensemble des 20 conseillers (sauf un) de la majorité (voir conseil municipal du 10 juillet 2020).
Avons-nous désormais des adjoints à demi responsables car indemnisés à la moitié du maximum, hormis le premier adjoint ?


Et si la commune ne se porte pas partie civile ?

Si la décision de la municipalité – si tant est qu’elle daigne nous la communiquer un jour – était de ne pas se porter partie civile, nous en tirerions immédiatement les conséquences et agirions afin d’obtenir réparation de ce préjudice, action à laquelle pourraient se joindre tous les Saint-Germinois qui le souhaitent en leur qualité de contribuable. Parce que l’abandon du recouvrement d’une telle somme par la commune implique qu’elle soit prélevée sur nos impôts pour faire face aux dépenses de la collectivité.